Aux dernières élections, toute la gauche, nous toutes et tous, venons collectivement de passer à côté d’un peuple qui demandait des choses simples : la restauration de la volonté en politique, une hausse du pouvoir d’achat, une république qui protège face aux désordres de la mondialisation. Et pourtant, dés le lendemain de l’échec, les « beautyful people » de la gauche française s’apprêtent à nous vendre une « rénovation centriste » qui revient de fait à dissoudre notre veille maison commune : la gauche.
Le chemin est tracé : à la droite les électeurs populaires et les plus riches, à la gauche, pardon, aux « démocrates », les classes moyennes intellectuelles et les plus précaires. Au diable la chimère d’une politique nouvelle face à la mondialisation, vive l’adaptation aux règles du marché international ! Au parti communiste se joue un drame parallèle : le risque est là de disparaître soit par le statut quo soit en lançant comme une marque de lessive un « nouveau parti » sans assise idéologique. Pendant ce temps Olivier Besancenot s’apprête à jouer pour 20 ans, avec beaucoup de talent, une Arlette Laguiller au goût du jour. Le scénario est écrit d’avance : il ne resterait d’un côté que les « démocrates », de l’autre une LCR relookée. A ce jeu, les libéraux gagneront à tous les coups.
Peut-on encore briser ce piège ? La gauche française sera-t-elle prisonnière pour vingt ans de la confrontation stérile d’un postier sympathique et d’une madone démocrate ? J’ai la faiblesse de penser que beaucoup dépendra de mon parti, le Parti communiste, de ses forces, de son intellectuel collectif qui peut contribuer -avec bien d’autres- à écrire un autre scénario. Trois chantiers sont prioritaires à mes yeux.
Premier chantier, rassembler toutes les énergies intellectuelles, mobiliser les savoirs pour répondre à cette question simple qui est à la racine de l’échec et de la dérive de la gauche : la phase actuelle du capitalisme mondialisé autorise-t-elle une politique nouvelle en France ? Si oui, laquelle ? Le problème n’est pas tant de porter un regard moral sur l’évolution du capitalisme que de bâtir le programme gouvernemental, crédible, opérationnel qui puisse ouvrir une espérance nouvelle aux millions de citoyens critiques du système mais résignés. Dans ce travail, je suis à la fois pour que mon parti s’accroche comme à son bien le plus précieux au communisme, c’est-à-dire à la perspective anthropologique de sortie du capitalisme, qui est notre boussole, et qu’il participe avec d’autres dans un cadre ouvert et sérieux à l’élaboration d’une politique gouvernementale nouvelle. Ce travail devra s’attacher à briser des tabous par exemple celui d’un nouveau protectionnisme européen ou encore la question du contrôle des marchés financiers.
Deuxième chantier, la « recomposition » à gauche. Certains voient comme fatal la polarisation de la « gauche » autour d’une voie « démocrate » et d’un pôle « d’extrême-gauche ». Ségolène Royal et Olivier Besancenot serait ainsi les deux faces d’une même impuissance. Comment faire ? Pour des raisons de fond et de circonstances, je ne crois pas à une recomposition qui passerait par la création d’un nouveau parti : cela ouvrirait un nouveau cycle insupportable de déchirements. Il faut donc trouver une autre voie pour rassembler politiquement les forces qui de Jean-Luc Mélanchon, au PCF, aux personnalités venues de l’écologie, de sensibilité républicaine ou alternative sont prêtes à s’engager sérieusement. Nous avons besoin que se construise un « front des gauches », dans l’autonomie de chacun, qui présente lors des élections une alternative solide.
Enfin, le troisième chantier, de très grande importance à mes yeux, est celui du parti communiste. Sans changement profond nous sommes condamnés à devenir une secte alors que la force communiste peut jouer un très grand rôle. Que faire ? Aujourd’hui, le Pcf est divisé, plus encore sa direction, et depuis dix ans les crises sont de plus en plus violentes. Notre méthode de Congrès favorise le consensus et nous n’arrivons plus à dégager des choix clairs. La solution est simple mais douloureuse du fait de notre culture : il faut que les militants choisissent entre les différentes cohérence politiques qui existent dans tout le parti et qu’une direction avec une majorité claire soit composée en fonction de ce choix. Deuxièmement, je suis pour briser la culture de la langue de bois et des culs-bénits en tout genre, la culture du non-dit dans le rapport au pouvoir. Je suis pour un parti communiste libéré, décomplexé, populaire, féministe, écolo, dans et avec la jeune classe ouvrière précarisée comme avec les intellectuels français, européens qui pensent l’alternative au capitalisme.
Comme beaucoup, j’ai peur que l’évolution actuelle à gauche mène à une impasse. J’ai pourtant la conviction que notre vieille nation politique, la France, possède les forces pour changer le cours des choses. Alors que le débat de la recomposition se concentre sur la création de nouveaux partis, je crois profondément que seules des idées nouvelles face à la mondialisation permettront de retrouver le contact avec le peuple et donc de forger des victoires sociales et électorales.
Patrice Bessac, Porte-parole du PCF,
Point de vue paru dans la rubrique « Forum » de l’hebdomadaire Marianne daté du 8 septembre 2007.
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