Discours prononcé le vendredi 18 avril lors de la réception organisée à l’Hôtel de Ville de Paris pour l’élection du nouveau groupe communiste.
Première partie : la crise mondiale, les responsabilités des communistes. Réflexions pour le Congrès
Deuxième partie : quelques mots sur la situation parisienne à l'issue des élections municipales.
Chers Camarades,
J'emprunterai mes premiers mots à Aimé Césaire et
à son Discours sur le colonialisme.
"Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à
déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader,
à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la
haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au
Viet Nam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une
fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en
France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids
mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un
foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous
ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous
ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout
de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison
instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de
l’ensauvagement du continent."
L'homme qui sera enterré dimanche en
Martinique a beaucoup à nous dire sur les êtres humains que nous voulons être,
sur notre engagement communiste. Notre civilisation repose sur une violence
démesurée. Des millions d'êtres humains subissent à l'heure où nous parlons une
nouvelle grande famine. La politique des grandes institutions financières
internationales a fait son oeuvre : en détruisant l'agriculture vivrière, en
poussant à la spéculation sur les matières agricoles, en laissant toute liberté
aux marchés financiers d'asservir les peuples, nous sommes entrés depuis
longtemps dans l'heure du colonialisme financier. Regardez la télévision. Ce
colonialisme fait de la réclame, des publicités joyeuses nous invite à
consommer des produits que nous ne pouvons pas payer. En France, à Paris, des
familles n'ont plus les moyens d'une alimentation équilibré.
Le monde n'a qu'une seule loi, qu'un seul Dieu
auquel nous sommes asservi : le profit. Le capitalisme a balayé en quelques
années les vieux cadres, les vieilles protections, les luttes du salariat pour
imposer un asservissement planétaire. Un médicament, dont le coût de
fabrication est de quelques dollars, est vendu plusieurs centaines de dollars
dans le seul but de protéger les profits des multinationales pharmaceutiques.
Et plusieurs centaines de millions d'hommes voient par ce seul fait leur
espérance de vie diminuer de plus d'une dizaine d'année.
Savez-vous qu'au début du XXIe siècle la
recherche scientifique produit plus de découvertes en un mois qu'en dix ans au
début du XXe siècle ? Savez-vous que la plupart des agronomes pensent que nous
pouvons avec une agriculture moins polluante nourrir 9 milliards d'individus
alors que nous n'arrivons pas aujourd'hui à en nourrir un peu plus de 6
milliards ?
Notre ère n'est pas moderne. Elle est un nouveau
moyen-âge. Notre ère a besoin que des hommes et des femmes soient les militants
d'une civilisation que se dégage de la sauvagerie et du règne insolent de
quelques puissants pour laisser place à la raison et à la démocratie dans
l'organisation du monde. Il est des moments dans l'histoire où le combat
d'idée devient l'outil principal de notre lutte politique. Nos petits
affrontements, nos gestes quotidiens, tout nos Congrès, toute l'énergie que
nous déployons chaque jour n'aurons de sens que si les communistes
participent d'une renaissance des grandes idées qui jettent les bases d'une
nouvelle organisation du monde.
Il ne manque dans ce pays ni d'énergie, ni de
militants, ni de courage. Il manque dans ce pays la colonne vertébrale
d'idées révolutionnaire qui puisse fédérer un nouvel espoir.
Longtemps, les communistes étaient caractérisés
selon le mot de Karl Marx par ce qu'il appelait "l'intelligence historique
du mouvement d'ensemble". Quelle est la première tache des communistes si
ce n'est de permettre qu'au désordre de courage actuel succède la conscience
claire des buts politiques que doivent se donner les héritiers actuels du vieux
mouvement ouvrier.
L'un des Secrétaires généraux du parti communiste
italien Antonio Gramsci disait "Il faut avoir conscience de ses propres
limites, surtout si on veut les élargir". Notre limite principale, dans
un monde marqué comme jamais par d'immenses contradictions, est de savoir
énoncer clairement les idées et les buts pour lesquels nous combattons.
Nous pouvons encore et toujours nous diviser,
nous affronter. A prés tout, le parti de Lénine était un parti où
l'affrontement politique était bien plus violent que dans notre parti. Mais
dans ces débats que nous aurons, dans les combats qui sont devant nous, je
crois qu'il faut avoir conscience que notre unité procèdera d'un parti
décidé à devenir le lieu vivant d'un nouvel essor de la production d'idée,
d'analyse, d'intelligence collective.
Regardez. La crise actuelle, financière, alimentaire,
salariale, industrielle, écologique, apparaît au monde entier comme une crise
mondiale. Quand sur toutes les télévisions d'Europe, on voit des salariés de
Renault vider leur poche à l'entrée de l'usine pour soutenir la grève de
salariés roumains, cette image a plus d'importance pour les consciences que
cent discours. Avec cette image, des millions de citoyens ont vu le signe du
lien profond qui unit ceux d'ici et ceux de là-bas. Avec cette exacerbation de
la crise mondiale, nous sommes entré dans une nouvelle phase. Laisserons-nous
notre société en tête à tête avec une bourgeoisie cupide et une
social-démocratie myope ? Laisserons-nous la colère livrée à la colère ?
Laisserons nous des organisations étroites mener la colère à l'impasse ? Il y a
mille, dix mille, un million de personnes, d'intellectuels, d'ouvriers, de
salariés conscients que cela ne peut plus continuer comme cela. C’est notre
responsabilité de contribuer avec plein d'autres, sans sectarisme ni
étroitesse, à ce que la question des solutions devienne la grande question
politique du mouvement critique, de toutes celles et ceux qui cherchent une
issue.
Cette responsabilité, avec d'autres, c'est la
notre. L’assumer, c'est aussi regarder en face que le parti tel qu'il est,
tel qu'il vit, tel qu'il travaille et qu'il pense, a très sérieusement besoin
de changement, d'un changement sérieux et réfléchi, si nous voulons qu'il
puisse assumer non pas sa survivance mais une nouvelle tache historique de
grande ampleur.
Je veux conclure sur Paris, sur la Fédération,
sur nos élu-es.
D'abord, je veux remercier tous les camarades, de
la mandature précédente et actuelle, qui ont accepté d'être élus. Ce n'est pas
rien qu'à Paris, que dans la capitale de la France, il y est des élus
communistes qui s’attachent à défendre un point de vue original. Qu'ils et
elles soient remercié à la hauteur de leur engagement. Et je veux faire un clin
d’œil à Martine Durlach, pour tout son travail et pour son soutien fraternel
durant les mois de campagne.
Sans langue de bois, je veux dire que les mois
précédent n'ont pas été faciles. Pour personne. Ni pour moi comme dirigeant
départemental, ni pour Ian Brossat comme porte-parole, ni pour les responsables
de section, ni pour les élus nouveaux ou anciens.
Nous avons du faire des choix. Difficiles
parfois. Pour que la parité soit respectée et aussi pour promouvoir de nouveaux
responsables communistes qui à l'instar de Ian Brossat ont devant eux une tache
difficile. Ces choix, je sais qu'ils ont parfois heurté certains d'entre nous.
Les choix de cadres, le choix d'opérer un certain renouvellement n'est jamais
facile. Et il y a toujours dans certaines situations un sentiment d'injustice
pour celles et ceux qui ont consacré beaucoup de temps et d'énergie au service
du parti. Je veux leur dire que nous en sommes conscient.
Nous avons du affronter une négociation très
dure, très rude avec le Parti socialiste. Nous avons du affronter la question
du Modem où comme vous le savez, notre Fédération a pris position durant la
campagne en disant que les communistes ne participeraient pas au gouvernement
de Paris avec des élus de droite.
Je sais qu'il y a des critiques, et c'est bien
normal, tout peut se discuter, mais je veux vous dire que nous avons durant
cette période, en conscience, cherché à défendre honnêtement la place et le
rôle du parti communiste à Paris
Je veux conclure mon propos en disant que nous ne
pouvons pas rejeter sur nos élus une responsabilité qui est la notre comme
parti. Paris est traversé de grands enjeux pour son avenir. Nos élus pourront
être très bons et même plus que très
bon, ils et elles auront besoins que le parti dans ces débats, dans son action
contribue à élaborer, diffuser, discuter le point de vue communiste sur
l'avenir de la capitale.
Je suis déjà trop long, donc j'en fini là et je
vous remercie de votre patience.
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